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Chemault et son château

Ancien village dépendant du Saumery, Chemault est devenu le centre de la paroisse, quand le Saumery eut été brûlé et détruit, au cours d'anciennes guerres. Le Saumery possédait une église ornée de mosaïques. S'il faut en croire de vieux mémoires, le symbole de Nicée aurait été inscrit dans une mosaïque autour du sanctuaire et du choeur.
L'église paroissiale actuelle n'était à l'origine qu'une chapelle du XIIème siècle, dédiée à Saint-Jean-Baptiste et célèbre par ses pèlerinages. Cette chapelle fut agrandie au cours des siècles suivants, sous le vocable de Saint-Aignan et de Saint-Jean-Baptiste. L'église possédait des reliques de Saint-Aignan et de Saint-Georges, ainsi qu'un vieux cartulaire qui remontait à l'origine de la paroisse.
Le château de Chemault, qui fut bâti en 1496, a joué un certain rôle historique. C'était un vaste carré de 40 mètres de côté, flanqué aux quatre angles de tourelles dominées par une grosse tour octogonale placée au centre de la forteresse. Un pont-levis était jeté sur le large fossé entourant ses murailles.


La seigneurie de Chemault était alors la propriété de Pierre de Clinchamps, écuyer, qui la vendit le 10 août 1489 à Pierre Dubois, écuyer. Le château ne fut parachevé qu'en 1498 par Pierre Dubois, qui le vendit ensuite à jehan Pocaire, valet de chambre de la maison du roy.
Sa veuve, Isabeau de jaffray, le céda en 1511 à Jehan Pot, écuyer. Ce dernier, qui avait épousé demoiselle Servet de Balzac, voulut acheter à Bernard de Saint-Jean, seigneur de Blairac, la seigneurie des Meignants, terre d'un arpent de bois, à laquelle étaient attachés des droits sur les chaudronniers, mais ce fut sa femme, dûment autorisée, dame de Chemault et autres lieux, qui réalisa le marché. Elle avait entre autres privilèges accordés par le roi, celui de percevoir cinq deniers parisis par an, sur tous les manants et marchands chaudronniers et brasilleurs, passant par Étampes et par Orléans.
Jehan Pot laissa deux fils, Guillaume et Guyot. Guillaume, qui était chevalier de Rhodes, grand maître des cérémonies de France, porte cornette blanche de sa Majesté et premier écuyer tranchant. Étant seigneur de Chemault, il reçut le roi Henri Ill. Le roi voyant dans les cours et jardins du château des hommes auxquels il manquait une jambe ou un bras, demanda quels étaient ces hommes. Le Seigneur répondit: « Un marchand m'a légué 60 000 livres en reconnaissance des services que lui avait rendus mon père. J'ai employé cette somme, fonds et revenus, à nourrir quinze soldats nés dans mes terres, et blessés au service de votre Majesté ». Cette fondation donna au roi l'idée de fonder à Paris, rue de l'Oursine, un asile pour les soldats blessés. Henri IV a continué I'oeuvre, et Louis XIV a élevé l'Hôtel des Invalides.
Par suite d'un arrangement, Guillaume Pot se retira dans la terre de Saint-Amand en Auvergne, laissant à son frère tous ses droits sur Chemault; il était aussi cornette du roi, prévôt de son ordre et grand maître des cérémonies.
Les guerres de Religion ravagèrent Chemault, dont le château fut incendié.
Le 25 février 1604, Guyot Pot vendit sa seigneurie et toutes ses terres de Chemault à Marie de Belleville, Marie Touchet, dûment autorisée par son mari François de Balzac seigneur d'Entragues, bailli et gouverneur d'Orléans, dont la fille Henriette d'Entragues, marquise de Verneuil, devait devenir grande favorite d'Henri IV. A l'époque de cette vente, Guyot Pot était veuf avec une fille Anne, qu'il maria au sieur de la Geffardière.
Marie Touchet, dame de Belleville, en mourant, permit à son autre fille Marie-Charlotte de Balzac d'Entragues, favorite du maréchal de Bassompierre, de devenir propriétaire de la seigneurie de Chemault. Elle eut du maréchal de Bassompierre, secrètement marié avec la princesse de Conti, un fils naturel reconnu, Louis-François de Bassompierre, qui devint abbé, puis évêque, enfin premier aumônier de Philippe de France, duc d'Orléans. En 1644, Marie-Charlotte d'Entragues céda Chemault à messire Henri de Guénégaud, seigneur du Plessis-Belleville et autres lieux, qu'il vendit à son tour en 1648, à noble homme Hugues Guétoud, secrétaire du roi; mais il avait acquitté au préalable les charges qui grevaient cette seigneurie. Il avait payé, notamment à Léon d'Illers sieur de Chantemesle, une dette contractée en 1638 par Marie-Charlotte, dame de Bassompierre, envers le duc d'Angoulême, Charles de Valois, fils naturel de Charles IX et de Marie Touchet, par conséquent frère utérin d'Henriette et de MarieCharlotte d'Entragues.
Léon d'Illers, issu des comtes de Vendôme, était héritier de la maison d'Entragues, à la condition d'en porter le nom et les armes, de par son père Jacques d'Illers, qui avait épousé en 1588 Charlotte Catherine de Balzac, fille de François de Balzac d'Entragues, gouverneur d'Orléans, et de sa première femme Jacqueline de Rohan.
En 1717, Hugues Guétaud vendit la seigneurie de Chemault au marquis de Creil, Jean-François, lieutenant général des armées du Roi, dont un ancêtre, Jean de Creil, avait été en 1686 intendant du duc d'Orléans. Le marquis de Creil, criblé de dettes, vit adjuger ses terres de Chemault en 1751 au chevalier Augustin de Langon, commandant les dragons à pied du régiment de Caraman.
Ce dernier institua pour son héritier son neveu François Nicolas, qui devint marquis de Langon, membre de la Constituante pour le Dauphiné, et dont la fille, la marquise de Gautron, recueillit la succession qui passa ensuite à son légataire universel, le comte de Saint-Ferréol, neveu de Monseigneur Chamon d'Étréchy, évêque d'Amiens. Il était propriétaire des bains d'Uriage près de Grenoble. Aussi vendit-il Chemault, en 1853, à des gens du pays qui démolirent le château.
Les frères Dalaine, entrepreneurs de bâtiments à Boiscommun, en achetèrent les matériaux. Une partie du mobilier fut dispersée à l'encan. Des tapisseries furent acquises par un màltre de poste d'Étampes. On avait espéré jusqu'au dernier moment que le prince Borghèse aurait acheté le château, mais l'allée des Noyers par laquelle on y accédait n'était qu'un chemin creux raboteux, impraticable pendant les pluies et la saison d'hiver, et cela l'avait découragé. Le parc de 105 arpents avait été dessiné par Le Nôtre. Un canal magnifique l'arrosait en le traversant.
Le Marquis et la Marquise de Gautron, qui avaient laissé 200 francs de rente aux pauvres de Chemault et autant à ceux de Nancray, ont leur tombeau à Chemault. Chaque fois qu'on touchait à ces revenus, on avait le souvenir que l'ancien château de Chemault, bien que difficile d'accès, était une magnifique résidence. Nous en empruntons ci-après notre description aux Bulletins de la Société historique d'Orléans.
L'ensemble était dans le goût architectural du xvi' siècle, mais les restaurations intérieures avaient été exécutées sous Louis XIV et Louis XV. Les dates, les armoiries et les peintures qu'on y découvrait, rappelaient l'existence des personnages considérables qui s'y étaient succédé. Dans l'immense salle à manger, de vieilles toiles formant panneaux et dessus de portes montraient des scènes tirées des aventures de Don Quichotte, signées Coypel à l'original, que des artistes du XVIII' siècle, Cochin, Surrugue, ont représentées en gravure.
On accédait aux étages supérieurs par un escalier en colimaçon, renfermé dans la tour centrale. La salle des gardes, au premier étage, était décorée dans le goût des grandes salles du château de Blois. La frise présentait une suite d'écussons peints. Dans le cartouche, au-dessus de la porte, c'étaient des chevrons surmontés d'un blason, figurant à droite et en bas de l'écusson, aux armes mi-partie de Balzac et de Gravilles. De cette salle on entrait dans la chambre du roi, dont le parquet datait de 1688. Elle était grande et conduisait dans un boudoir, ancien oratoire pratiqué dans le mur d'une des tourelles. Le roi avait une porte de sortie portant le monogramme de Marie ciselé sur la pierre. Était-ce celui de Marie Touchet ou de Marie-Charlotte d'Entragues ?
Les boiseries des appartements de l'aile droite du château étaient belles mais celles de l'aile gauche valaient mieux. L'une d'elles, en chêne blanc, superbement sculptée, placée dans une petite pièce dite la chapelle, était de style grandiose et de goût royal. Elle fut achetée par M. N... de Malesherbes.
Toutes les boiseries à filets dorés encastrant en ovale des encadrements de portraits historiques étaient de style Louis XV. Enfin une plaque de cheminée en fonte de 80 centimètres carrés, portant sur son fond uni la date de 1545, montrait deux scènes de la vie de Samson : dans l'une, il terrasse un lion dont il fend la gueule, dans l'autre, il tue les Philistins avec une mâchoire d'âne.
Sur la porte d'entrée de la salle des gardes, le détail des écussons évoqués plus haut, était pour les armes de Balzac : d'azur à trois sautoirs d'argent au chef d'or, chargé de trois sautoirs d'azur et pour celles de Gravilles: de gueules à trois fermoirs d'or. Chouppe a laissé une aquarelle de cette résidence princière.
La Société historique du département avait tenté de sauver ce château historique mais, quand elle se présenta, meubles, tableaux, tentures et une partie des parquets avait déjà été vendus à vil prix. Il restait une cave en deux parties, voûtée comme une chapelle, avec piliers bas à chapiteaux. Dans l'église où était le caveau de quelques seigneurs de Chemault, on pouvait lire sur une pierre tombale : « Pat, 1571 ».