Le XVIIIème siècle
Le cahier de doléances du bailliage de Boiscommun pour les États Généraux de 1789
Assemblée du mardi 10 mars 1789 à une heure de l'après-midi, dans la chambre du conseil de l'auditoire du bailliage où se tiennent ordinairement les assemblées du corps municipal de la ville de Boiscommun.
Comparant : Louis jean Pélerin de la Buxière seigneur de Nibelle, le Hallier, Saint-Sauveur et autres lieux, demeurant ordinairement dans son château de la javelière, paroisse de Mont-Barrois, Mathurin Caillard, Thomas Robin Decloseaux notaire royal, Jean-Baptiste Rémy Joyes maître en chirurgie, Claude Labbé marchand, Louis Coutant bourgeois, tous demeurant à Boiscommun.
Alexandre Langevin marchand et Louis Lecour vigneron demeurant à Courcelles, Leroy, Antoine Lancteau laboureur et Dominique Beaudichon cabaretier, demeurant à Chemault, Pierre Baignault et Nicolas Jartinville laboureurs demeurant à Fréville, Jacques Poucet et Jacques Bourgeois vignerons demeurant à la Nerville, Etienne Guyard vigneron et Charles Lesseur meunier demeurant à Montliard, Jean Leroy l'aîné, laboureur, et Pierre-Louis Lorme notaire royal demeurant à Nancray, Antoine Rousseau et Étienne Raffard laboureurs demeurant à Nesploy, Étienne Saillard marchand et Louis Berthelot maréchal-ferrant demeurant à Nibelle, Sébastien Beaudau et André Barreau laboureurs demeurant à Mézières-sous-Bellegarde, Pierre Raffard vigneron et Louis Foacier laboureur demeurant à Quiers, André Liger et Louis Joudiou laboureurs à Saint-Sauveur, Michel Lecomte et Étienne Gaudin vignerons à Saint-Michel, Étienne Delaigre et Jean-Baptiste Plard vignerons demeurant à Mignères.
Le procès-verbal, rédigé et signé par Jean-Marie Moreau, notaire royal à Boiscommun, fait connaître qu'il a été requis par les comparants, pour présider l'assemblée, à raison du refus fait par M. le lieutenant dudit bailliage de Boiscommun « de vouloir continuer à présider leur assemblée, commencée le jour d'hier, heure de 9 heures du matin, et par lui dissoute, pour les motifs énoncés au procès-verbal desdits députés du jour d'hier, déposé en original en notre étude, sur le refus fait, par M. Durand, greffier dudit bailliage, de le recevoir en dépôt en son greffe, et d'en dresser et délivrer acte, copie duquel, procès-verbal ensemble, celle dudit acte de dépôt, seront annexés à l'original du présent. Nous ont légalement dit, lesdits députés s'être aujourd'hui assemblés, heure présente, au désir de l'ajournement qu'ils se sont respectivement donné, par ledit procès-verbal. »
Rédaction du cahier : élection de huit députés formant le quart réduit; on se sépare à 10 h du soir. Cahier du bailliage secondaire de Boiscommun, contenant la réduction de ceux des Paroisses dépendantes dudit bailliage.
Procès-verbal
Article 1 - Les premières démarches que feront les députés du Tiers en se rendant à Orléans, sera de se réunir aux autres députés du Tiers État, pour faire les plus vives instances auprès des membres du clergé et de la noblesse, pour les engager à faire cause commune, et ne point se séparer en aucun cas du Tiers.
Article 2 - Les États assemblés, les députés s'occuperont d'abord de représenter tous les vices de la Constitution actuelle. Ils demanderont, suivant la voeu déjà exprimé d'Orléans, et des principales villes de nos provinces, qu'il soit accordé à chacune d'elles des États provinciaux, et que les convocations pour les élections soient faites, tant pour ceux-ci que pour les États Généraux comme dans le Dauphiné, et que les voix y soient comptées par tête.
Article 3 - Les députés demanderont, que les députés aux États Généraux soient, pour un nombre déterminé d'années, comme 4 ou 6 ans au plus; que les États Généraux soient périodiques, et s'assemblent aux plus tard tous les 2 ans, et même toutes les années au besoin, surtout en temps de guerre.
Article 4 - On pourra proposer, de former une commission intermédiaire, pour parer aux inconvénients d'une trop fréquente convocation, mais les députés s'y opposeront formellement.
Article 5 - Les États Généraux, ne peuvent ni ne doivent correspondre avec aucun corps.
Article 6 - Les États Généraux demanderont la liberté des citoyens et la feront établir constitutionnellement, de manière qu'elles devienne sacrée, et qu'on ne puisse y porter atteinte sans blesser la Constitution. En demandant la liberté des individus, les députés demanderont aussi la liberté de la presse, de façon néanmoins qu'elle ne puisse être une arme nuisible, mais un bouclier contre la tyrannie.
Article 7 - La Constitution étant formée sur les principes les plus justes et les plus clairs, les députés s'assureront que les demandes précédentes auront été accordées par le roi, et qu'il aura été envoyé une expédition authentique dans chaque paroisse pour être déposée dans ses archives et être le garant des droits de la Nation.
Article 8 - Les préliminaires remplis, ils s'occuperont des besoins de l'État. On commencera avant tout par examiner quelles sont les dépenses des divers départements, qu'on fixera avec le plus d'économies qu'il sera possible. A l'égard de la dépense de la Maison du Roi, et de la famille royale, on suppliera Sa Majesté de vouloir bien faire toutes réformes possibles. On n'oubliera pas surtout, celle des capitaineries, funeste à l'agriculture et à charge à l'État. On suppliera aussi Sa Majesté, de réduire ces capitaineries, à celles qui sont voisines des palais qu'elle habite.
Article 9 - L'article des pensions sera scrupuleusement examiné. On tâchera d'obtenir qu'il n'en soit désormais accordé qu'aux militaires retirés du service à cause de leur âge, ou de leurs infirmités, ou bien aux personnes qui auront servi l'État d'une autre manière. Que ces dernières ne puissent passer aux veuves, ni aux enfants, et qu'on fixe le cas où les pensions militaires seulement puissent leur être transmises avec des diminutions considérables.
Article 10 - Les députés examineront avec attention les dépenses du département de la guerre. Ils demanderont que les places de guerre inutiles soient supprimées, comme cela a été promis, et qu'on ne garde que celles qui sont nécessaires à la sûreté de l'État. Les députés seront spécialement obligés de prier Sa Majesté de ne conserver que le nombre de troupes réglées suffisant pour établir solidement en Europe la considération dont elle doit jouir; et ils demanderont que les forces de la France soient divisées en offensives et défensives, que les forces offensives seront des troupes réglées, réduites au moindre nombre qu'il sera possible, attendu que le salut de l'État reposera en grande partie sur les forces défensives, qui seront la milice. Ils observeront que cette milice, telle qu'elle subsiste, a de grands inconvénients; qu'il faut abolir le tirage au sort, qui rend odieux un établissement qu'il faudrait faire désirer et aimer de tous les Français. Ils demanderont aussi que les milices soient un établissement national, distingué en cavaleries, dragons, infanteries, corps d'artillerie.
Article 11 - Après avoir fixé les dépenses des départements, on procèdera à constituer la dette nationale. La somme de tous les objets réunis formera celles de la dépense, à laquelle il faudra égaler la recette. On mettra d'abord au premier article de celle-ci les produits des domaines du Roi, on examinera scrupuleusement à combien ils s'élèvent, et si on ne peut pas raisonnablement en espérer de l'augmentation. Il paraît assez généralement reconnu que la vente de plusieurs de ces domaines serait très avantageuse. Les députés s'en assureront, et pourront concourir avec le Roi pour en ordonner la vente, mais à condition que les objets seront divisés en petites parties autant qu'il sera possible et qui seront vendus aux enchères, sans aucun denier d'entrée, moyennant une vente en grains payable en argent, suivant les prix des marchés qui seront indiqués.
Article 12 - Ensuite les députés s'occuperont des impôts et, pour éviter toute difficulté de la part de la noblesse et du clergé et des provinces qui jouissent de quelques privilèges, ils demanderont que tous les impôts actuellement établis, sous quelque dénomination que ce soit, soient abolis, et regardés comme non avenus, pour être recréés sous la meilleure forme possible, de manière que les charges publiques soient générales et également réparties, sans distinction d'état, de personne et de province. Ils s'opposeront, à ce que le clergé ait la distinction de se répartir ses contributions; plusieurs raisons s'y opposent, qui ne peuvent être actuellement énumérées à cause de leur longueur.
Article 13 - Les députés auront soin de s'opposer jusqu'à ce qu'ils l'aient obtenu aux impositions de la taille, de la gabelle, du tabac et des aides, ainsi que de la marque des fers et des cuirs, comme nuisible à l'agriculture, aux fabriques, et au commerce et produisant plus aux traitants qu'à Sa Majesté. Ils demanderont que l'impôt du contrôle, s'il est adopté, soit fixé d'une manière moins arbitraire, et qu'il ne puisse pas être un instrument de vexation. Ils demanderont aussi avec instance que les traites intérieures soient supprimées, et qu'elles soient portées aux frontières du royaume.
Article 14 - Ils pourront établir une augmentation sur les droits de traites, et sur le port des lettres.
Article 15 - L'impôt territorial, c'est-à-dire une taxe égale, rigoureusement répartie sur les terres, les loyers des maisons et les rentes sur l'État, paràlt être un des plus justes, et dont la perception est la moins coûteuse, et à cet égard, les députés insisteront sur la justice qu'il y a à soumettre à la contribution de plusieurs vingtièmes les rentes qui n'y sont pas sujettes. Ils demanderont qu'il soit mis sur le luxe tous les impôts qu'il sera possible, sans nuire aux manufactures, et qu'il soit établi une espèce de capitation, dont personne ne puisse être exempt, et qui soit payée, soit suivant l'état, soit suivant la fortune. Au reste les députés auront le pouvoir de choisir de concert avec ceux de la nation réunis les impôts qui seront jugés le plus convenables.
Article 16 - Enfin, les députés ayant établi les impôts, ne les accorderont que sous la condition qu'ils ne pourront être levés qu'une année ou deux au plus, suivant qu'ils auront fixé avec le Roi le retour périodique des États Généraux.
Article 17 - Les députés demanderont l'abolition de la vénalité de tous les offices, comme absolument onéreux à l'État, à l'exception de ceux domaniaux qui sont immeubles.
Article 18 - Les députés réclameront contre l'usage qui s'est établi, de ne plus recevoir dans les corps militaires que des nobles de quatre générations.
Article 19 - Les députés prendront dans la grande considération, le commerce intérieur et extérieur du royaume.
Article 20 - Les députés supplieront Sa Majesté de réformer les Codes civils et criminels, ainsi que l'administration de la justice, de manière que les frais énormes qu'elle entraîne soient diminués.
Article 21 - Un des objets sur lesquels les députés ne sauraient trop insister, c'est la réformation de l'éducation publique, devenue si vicieuse et si inutile.
Article 22 - Les députés demanderont que tous les abbayes, prieurés et autres bénéfices qui appartiennent individuellement à l'État soit remis à la masse du revenu public.
Article 23 - Les députés prendront dans le grand examen, les droits de péage en général.
Article 24 - Les députés représenteront l'abus des droits pécuniaires, attachés aux communautés des Arts et Métiers.
Article 25 - Quoique nous ayons déjà parlé de la suppression de la gabelle, nous recommanderons à nos députés de rappeler ces mots de notre Roi même, que ce sera le plus beau jour de sa vie, lorsqu'il verra la destruction de cet impôt, aussi odieux que désastreux.
Article 26 - Les droits des notaires royaux seront conservés dans toute leur étendue, et pour cet effet, lesdits députés demanderont l'exécution de l'Édit d'octobre 1705.
Article 27 - Un notaire ne pourra être à la fois juge et procureur dans l'arrondissement de son notariat, en conformité de l'ancienne loi, surtout lorsque dans cet arrondissement d'autres notaires ont droit d'instrumenter.
Article 28 - Aucun notaire, ni procureur, ne pourront exercer la commission de contrôleur des actes, ni aucune autre commission incompatible.
Article 29 - Les députés insisteront de tous leurs pouvoirs, à ce que la réunion des justices seigneuriales aux royales soit faite, ainsi que la réunion d'un ou plusieurs petits bailliages secondaires en un seul, de manière que chaque juridiction de bailliage secondaire, ait un arrondissement de 3 à 4 lieues, pour la commodité de tout le peuple en général, et à ce qu'il soit accordé dudit bailliage secondaire ainsi formé, de pouvoir juger en dernier ressort jusqu'à 2 à 3 000 livres.
Article 30 - Les députés demanderont la suppression des colombiers, ou leur diminution en plus petit nombre possible, attendu que les pigeons sont des plus préjudiciables à l'agriculture.
Article 31 - Les députés supplieront Sa Majesté de vouloir bien conserver les habitants des paroisses de ses forêts, dans leurs droits et privilèges de chauffage et pacage, et de faire retirer les lignes de gruerie, dans les endroits où elles existaient avant 1716, afin de pouvoir favoriser l'agriculture; même de rétablir les habitants dans les droits qu'ils avaient avant ladite année; comme aussi qu'il leur soit permis d'abattre et couper les haies et arbres qui sont autour de leurs héritages, sans permission de gruyer, ou en tout événement que ces permissions soient accordées gratis.
Article 32 - Qu'il n'y ait dans le royaume, qu'un seul poids, et qu'une seule mesure.
Article 33 - Que les deniers provenant de l'impôt qui tiendra lieu de la corvée soient employés, partie pour la réparation des routes, et l'autre à la réparation des chemins de communications de paroisse à autre.
Article 34 - Qu'il soit établi un vicaire dans toutes les paroisses, qu'un seul prêtre ne peut facilement desservir, à raison de sa population et de ses étendues.
Article 35 - Que les droits de banalité, de boucherie et autres, soient supprimés.
Article 36 - Que les dîmes et champarts soient abonnés à dire d'experts, ou commués en une redevance en grains ou argent, de la manière la plus avantageuse aux cultivateurs.
Article 37 - Que les intendances et subdélégations soient supprimées dans le royaume, ainsi que les trésoriers de France et élections.
Article 38 - Qu'il soit pourvu à l'augmentation des cures sur les biens du clergé, c'est-à-dire des cures qui ne fournissent point au curé une honnête subsistance.
Article 39 - Que tous les procès quelconques soient, dans chaque juridiction, jugés dans le cours d'une année.
Article 40 - Que les municipalités des paroisses puissent, en l'absence des juges, exercer et faire les fonctions des commissaires de police, et aient même le droit de faire arrêter et emprisonner tout vagabond et malfaiteur, lors de la clameur publique.
Article 41 - Qu'il ne soit détruit aucune ferme dans les forêts pour planter les terres en bois, ce qui rend les paroisses désertes.
Article 42 - Que les haies et arbres nuisibles à la voie publique soient arrachés par les propriétaires, et que les bois en provenant leur appartiennent.
Article 43 - Que les accrus des bois de la forêt dans les terres des particuliers leur appartiennent, et ne soient pas soumis au droit de gruerie.
Article 44 - Qu'il soit fait un chemin de communication, de Boiscommun à Pithiviers, passant par Courcelles le Roi et Montbernaume.
Article 45 - Que les terriers des seigneurs ne soient renouvelés que le plus tard possible, et que les droits des commissaires à terrier soient diminués.
Article 46 - Que l'ordonnance des chasses soit exécutée, quant à la défense faite aux seigneurs et à leurs gardes-chasse, depuis la mi-avril jusqu'après les récoltes, de chasser dans les grains et vignes.
Article 47 - Que dans les cas de suppression des offices de notaires, procureurs et autres, qu'il soit commencé par ceux de nouvelle création, comme établis au préjudice des premiers créés.
Article 48 - Enfin, l'assemblée veut que les députés aux États Généraux aient le pouvoir de délibérer et de voter, suivant que leur âme et conscience leur inspireront pour le bien public, sur tous les objets qui pourraient être proposés aux États Généraux, et qui n'auraient pas été prévus dans le présent cahier; leur recommandons surtout d'avoir en vue, dans tous les avis qu'ils donneront, le soulagement du pauvre peuple dont ils seront les représentants.
Fait et arrêté en l'assemblée des députés des villes et paroisses dudit bailliage de Boiscommun, tenue en la Chambre du conseil de l'auditoire, lieu où se tiennent ordinairement les assemblées municipales de ladite ville.
Ce aujourd'hui, 10 mars 1789 (Suivent les signataires des délégués).
D'après : Cahier de doléances du Bailliage de Boiscommtin pour les États Généraux en 1789,