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La Réforme à Boiscommun

Au lendemain de la Saint-Barthélémy

A la suite de l'abominable Saint-Barthélémy, par deux fois les étrangers entrèrent en France, en 1576 et 1578, chaque fois, leurs armées, guidées par des gentilshommes du pays, s'avancèrent jusqu'en Gâtinais. Les femmes de Boiscommun purent voir de chez elles les fumées de l'ennemi, comme au temps de la guerre de Cent Ans.

Sous Henri III, en 1576, un combat eut même lieu aux portes de Boiscommun. Ce combat mérite d'être signalé, car le récit en a été fort agréablement troussé par le grand écrivain, Agrippa d'Aubigné, qui était, en même temps, un vaillant homme de guerre.


La bataille de Boiscommun vue par Agrippa d'Aubigné*
* Ce texte a été traduit en français moderne pour en faciliter la compréhension.

Le combat le plus digne de mémoire qui se soit fait à la tête de cette armée fut auprès de Boiscommun ; l'occasion en fut belle. Les régiments de Crillon et de Bréchanteau s'acheminèrent à diverses reprises d'Orléans, pour venir empêcher les étrangers de tirer commodité, de Boynes, de Boësses, de Boiscommun, puis sauver quelques maisons de gentilshommes, et Jargeau, si le besoin s'y donnait. Tous ceux-ci se donnèrent rendez-vous à Boiscommun, pour ce que, les lansquenets se campèrent à la vue de cette petite ville, et entre autres, avaient fait un corps de garde de deux compagnies, à un moulin à vent près de Nancray.

Cela faisait mal au coeur à ces mauvais garçons, ils tirent de chaque régiment 100 soldats ; après cela, font marcher celui de Crillon, les deux autres demeurent à deux mille pas de là, un lieu avantageux pour recevoir leurs compagnies au besoin.

Les trois cents premiers couchèrent à l'abri d'un des buissons, le plus près du moulin qu'ils purent, puis, se voyant découverts, donnèrent la tête hissée dedans les corps de garde, lesquels bien que surpris, se défendirent, mais diversement, car l'une des compagnies fut forcée à l'arrivée de la seconde bande, qui était de cent quarante hommes, et menée par Crillon; le drapeau enlevé, l'enseigne de l'autre compagnie, avec son taffetas au col, se jette à quartier dans la fumée, et gagne une touffe d'épines de quatre pas de long et de deux pas de large pour le plus. Il se rallia à lui jusqu'à 80 soldats, presque tous piquiers, qui attaqués de 1 700 hommes, se défendirent à coups de piques et d'épées; quand les épines furent rompues, plus d'un quart d'heure, jusqu'à ce que l'alarme donnée aux reîtres, qui avaient gagné le logis de Boynes, et aux quartiers d'une lieue près, il parut deux cornettes à la plaine, et cinq cents par devant eux. Deux reîtres, maîtres gentilshommes Poméraniens, qui ensemble avaient rallié jusqu'à 30 chevaux, les deux jeunes hommes se virent précipiter dans la troupe de Crillon, armée à la légère et sans bottes, ceux qui les suivaient, presque tous de même. Tout le combat se tourne sur les trente, les lansquenets sortent du hallier, regagnent les piqueurs, et se firent les secours de leurs secours. Voilà les deux autres régiments de 3 000 hommes, avancés pour retirer Crillon, à la vue d'une grande cavalerie, il arrive encore 25 chevaux, au secours des premiers et cette brigade, ne pensant plus à délivrer les leurs, mais bien à engager les autres, mêla plusieurs fois, et surtout à la troupe de retraite où Crillon avait autour de sa personne, 50 capitaines ou sergents.

Ce fut dedans les piques à fûts dorés, hallebardes aux javelines, que furent pris les deux gentilshommes Poméraniens ; emmenés par Crillon, traités par lui soigneusement et honorablement, puis renvoyés avec présents au lieu de rançon.

Huit cornettes de reîtres, arrivés au lieu du combat, n'importunaient point trop, près de 5 000 hommes qui se retiraient au pas en un pays couvert, et se contentaient d'emporter leurs morts et blessés, ainsi que leur drapeau; n'y ayant plus, des premiers engagés, que 17 en état de combattre, soit pour montrer qu'il y a des Allemands qui contrefont les Français.


Dans ce récit alerte et coloré, avec sa petite pointe gasconne, on voit la part de l'imprévu à la guerre, d'abord une simple escarmouche des deux partis adverses, puis les renforts arrivant de part et d'autre, le combat mettant aux prises plusieurs milliers d'hommes, des prodiges de valeur accomplis par le parti le plus faible, et l'hommage chevaleresque rendu aux vaincus, par celui que le roi Henri IV devait surnommer « le brave Crillon ».


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